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vendredi, 11 mai 2007

L’ENFANCE

L’enfance, chez Marie-Paule Belle, est comme souvent douce et nostalgique, teintée de quelque douleur et d’inquiétude cependant. Est-ce vraiment le portrait du docteur Belle que ceci : « Quarante-deux colonnes corinthiennes / Dans la salle à manger / Et papa qui dormait / Devant l’eau de Vittel » ? N’empêche que, dit la chanteuse, « Mon enfance baîllait / Dans la glace ». Si l’angoisse est commune à l’enfance de chacun, la Belle l’exprime toujours : « L’avenir est douteux / Paquet que l’on emballe / Du bout des doigts des yeux / Dans du papier journal ». Il reste que, dans ce temple du jeune âge, se dressaient Quarante-deux colonnes corinthiennes, pas n’importe lesquelles : « Quarante-deux colonnes éternelles / Protégeant de la peur / Dans la vie quotidienne / C’est le géant qui meurt ».

Omniprésente, l’image de la mère trop tôt disparue, cette mère à laquelle Marie-Paule Belle n’a pas voulu « succéder », même si elle mit longtemps à s’en remettre, ainsi qu’elle le raconte dans ses souvenirs. Il faudrait citer l’intégralité du texte Les Petits dieux de la maison, dans lequel vit Mme Belle, à la maladresse touchante : « Les objets semblaient se dissoudre / Quand tu les appelais je crois / Ils revenaient autour de toi ». La chanteuse se souvient des petits dieux qui « souriaient en te voyant faire / Avec amour et déraison / Si maladroitement ma mère ». Cette mère savait toutefois faire vivre la maison avec générosité et dans le mouvement grouillant de l’enfance : « Mais à table vite attendrie / Tu invitais tous nos amis ». Disparue trop tôt, Mme Belle, et sa fille n’en est pas revenue : « Mais où est ton amour ma mère / Devant ce silence et ce froid / Ton ombre m’apparaît parfois / Cherchant s’il n’y a rien à faire / Comme un ange un peu maladroit ».

Grâce à Mme Belle, cependant, nous écoutons aujourd’hui une excellente musicienne, d’une inventivité constante, dont les compositions conservent une « couleur » propre sans être jamais répétitives. Elle apprend la musique à la petite fille qui nous enchante aujourd’hui et c’est L’Impromptu de Schubert. Elle la lui apprend sans la contrainte, simplement avec la joie : « Quand ma mère jouait pour moi / Les impromptus de Schubert / Il lui arrivait souvent d’faire un accord à l’envers / Alors, elle riait, honteuse / En disant j’n’ai plus les doigts d’avant / Quant à moi j’étais heureuse / Ce qui importe c’est l’instant présent ». Et la jeune fille s’amuse comme une folle : « Alors j’esquintais Schubert et ma mère me grondait j’aimais ça / Le jazz était déjà en moi et ma mère ne comprenait pas ». Toutes deux jouent et s’aiment : « Alors quelquefois pour rire / On jouait ensemble à quatre mains / Quand j’y pense je peux dire / Que c’était faux, mais que c’était bien ». Et puis reviennent les images familières, parlent de nouveau les petits dieux : « Quand ell’ quittait sa cuisine / Le tablier sous les seins », ou bien « Repartant dans sa cuisine / Elle me laissait avec cet air-là / Dans l’odeur des aubergines ». La Belle rêve un instant de poursuivre la chaîne (« Et quand je jouerai pour toi les impromptus de Schubert / Il m’arrivera souvent d’faire un accord à l’envers / Toi ma tout’ petite fille / Qui n’atteint pas encore le clavier / Tu ignores la mélodie / Tu l’ignore(s) encore mais je t’apprendrai »), mais elle n’aura pas d’enfant. Elle enregistrera toutefois un disque pour les petits.

Et pourtant, des crayons de couleurs dansent encore dans les doigts de la fillette. Dans les dessins d’enfants, c’est connu, « Tout paraît plus haut / Tout paraît plus grand ». À travers une angoisse métaphysique (« Faut-il que je vieillisse / Que tout soit de plus en plus petit »), se faufile le retour aux images de la petite fille et aux proportions de son regard : « Dans les dessins d’enfants / On voit ses parents / Comme des géants / Et sous notre crayon / Toutes les maisons / Touchent l’horizon ». Puis la nostalgie déçue se manifeste à nouveau (« Mais les couleurs ternissent / On ne dessine plus, on grandit »).

16:35 Publié dans Gloses | Lien permanent | Commentaires (0)

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