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lundi, 29 octobre 2007

L’ÂGE QUI VIENT

On trouve parfois chez la Belle une obsession du vieillissement. Cela commence par l’observation des autres dames, celles qui vont chez le coiffeur. La coiffeuse se dit : « Un’ boucle un trou sont-elle(s) heureuses / Dans cette sécurité creuse / Même leurs amants sont prévus / Toujours pressés mais jamais nus ». C’est terrible, vraiment, de deviner ainsi, rien qu’en les voyant arriver, qu’« ell’s n’attend’nt plus rien de la vie / Un homme et des économies / Un peu de laque sur le tout ». Et la coiffeuse, fer et brosse en mains, n’a même pas besoin de demander si ce sera comme d’habitude, puisque ce sera, elle le sait et ça l’agace, « Pour toujours la mêm’ permanente / Ennuyeusement élégante ». Eh oui, ce n’est guère enviable et pourtant, les soirs d’automne sans doute, lorsqu’éternellement le ciel se déchire, la coiffeuse trop lucide s’avoue : « Pourtant j’ai des économies / Je n’sais pas quoi faire de ma vie / Un peu de cafard sur le tout ». Oui… On ne peut pas se moquer des autres très longtemps. Ni même, d’ailleurs, se poser trop de questions à leur sujet car, durant ce temps, la vie nous rattrape : « Et je finirai bien comme elles / J’finirai par les trouver belles », s’avoue la coiffeuse. L’encore jeune coiffeuse…

L’encore jeune coiffeuse qui ne se fait aucune illusion et, au bout du compte, se prend à désirer être comme elles, libres de leur temps et ayant débarqué leurs soucis au port de l’indifférence calme : « Ell’s n’ont jamais peur de perdre leur temps / Devant l’église ell’s s’arrêt’nt sans entrer / Parce qu’ell’s n’ont plus rien à demander ». Bien sûr, si l’on n’attend plus rien, c’est plus reposant, c’est facile, et les voilà « émues par un chat un bébé / Les vieill’s dam’s à qui je veux ressembler ». Alors naît le désir d’être au bout, et monte le chant de l’incantation finale : « Vieille / Si déjà je pouvais être vieille / Pour qu’enfin ma douleur s’ensommeille / Vieille / Pour que le vent de la nuit balaie / Les soucis les erreurs de la veille / Vieille / C’est vers le soir que l’on s’émerveille / Mais je n’en suis encore qu’à midi ». On dirait qu’elle le regrette, ce midi qui paraît s’attarder inconsidérément : « Sur mon visag’ que lira-t-on demain / Peut-on garder l’amour sans le chagrin ».

Et puis, une fois vieille ou en glissade consentante sur la pente qui y mène, on sait mieux qui est qui et ce qu’on peut attendre : « À toi j’dis des choses / Que j’dis pas aux autres / À toi j’peux parler / Comm’ quand j’suis tout’ seule / Pour toi j’mont’ les marches / Mêm’ si ell’s sont hautes / Mêm’ si à la fin / J’dois m’casser la gueule ». Faut-il que l’autre mérite enfin ces risques et cette abnégation ! Il faut dire que, certainement, on sait ce qu’on fait, on a payé cher cette connaissance, cette assurance : « Je ne suis bien qu’avec toi / Et les autres me font plus rire / Si t’es loin j’suis mal ça s’voit / Et j’ai plus envie d’sortir / C’est pas d’l’amour mais c’est mieux / Ça rest’ra quand on s’ra vieux ». La connaissance et la complicité se mesurent au silence lorsqu’il ne gêne pas, au silence qui est une langue : « Je ne suis bien qu’avec toi / Mêm’ si l’on a rien à s’dire / J’ai besoin qu’tu sois près de moi / Lorsqu’un autre me fait souffrir ». Oui, certes, « C’est pas d’l’amour mais c’est mieux » et, on le sait vraiment avec les années, « Ça rest’ra quand on s’ra vieux ».

16:50 Publié dans Gloses | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

Bravo Jacques pour vos analyses toujours passionnantes... mais le sujet est aussi inspirant.
Amicalement.
alfred

Écrit par : alf19 | vendredi, 30 novembre 2007

Merci pour vos encouragements. Je pensais que les billets publiés dans la catégorie "Gloses" n'intéressaient personne...

Écrit par : Jacques Layani | samedi, 01 décembre 2007

Les commentaires sont fermés.